Le retour de la fleur de Maruyama

Une ombre noire comme l'encre jaillit du haut du mur servant d'enceinte au quartier des appartements de Dame Maruyama. Quelle étrange vision par cet douce soirée de printemps. Encore plus étrange dans un endroit réputé infranchissable tel un fleuve déchaîné par les flots... Un endroit si bien gardé que même le plus téméraire des guerriers aurait vite renoncé à y entrer d'une manière aussi particulière et impromptue que celle que venait d'accomplir l'ombre furtive qui traversait maintenant la cour en courant, légère comme un souffle.

Entrer dans la bâtisse ne sembla pas non plus être un problème majeur pour l'intrus. Une fois à l'intérieur, dans le silence le plus impénétrable, tel qu'aurait du l'être le domaine, l'individu masqué se dirigea sereinement jusque vers un meuble laqué en merisier. Il alluma alors un batônnet d'encens, et une odeur de fleur d'oranger emplit la pièce en un seul instant. La faible lumière qui illuminait la pièce provenait uniquement de la lune, si clair ce soir. Seulement elle suffit à éclairer le visage qui venait d'être découvert d'une pièce de tissu noir. De longs cheveux jaillirent, retombant avec élégance sur les épaule de l'individu. Ecartant les mèches rebelles de ses doigts fins, Dame Maruyama ne put réprimer son rire...

*Je leur avait pourtant dit de mettre en place les mesures nécessaires pour éviter les intrusions...*

Elle déposa ce qui lui servait de cagoule sur un coin du meuble, puis tout en parcourant l'immense pièce qui lui servait de chambre elle défit les innombrables lacets parcourant son corps. Une à une les armes vinrent orner le sol. Ce fut d'abord le tour de son sabre long, qui quitta son flanc pour tomber avec fracas. Un autre, plus court cette fois, tomba à sa suite. Puis diverses objets furent ensuite parsemés. Des shurikens de toutes formes, des poignards, dont on ne pouvait deviner l'existence avant cette séance de déshabillage. L'art du camouflage faisait partie de l'apprentissage des Kunoichis... Puis Keiko entreprit de défaire de ses bras et de ses mains les différents shukos qu'elle portait. Sur l'un d'entre eux, du sang brillait...

*Rude voyage...pour pas grand chose qui plus est...*

Une fois désarmée elle s'assit confortablement sur un fauteuil rembouré. Elle laissa ses yeux se fermer un instant, et elle se remémora son aventure...

Elle était partie il y a une vingtaine de jours, dans le but de traverser le pays pour se rendre dans la capitale Tohan. Elle devait en effet y réaliser un contrat...La tête d'un général de l'armée Tohan, voilà ce qu'on lui demandait. Comme toujours elle n'avait pas idée de qui était le commanditaire du crime, n'ayant à faire qu'avec ses messagers. Mais elle se préoccupait peu de l'identité des gens qu'elle servait du moment qu'il payait bien. Pour une mission aussi risquée, car tout le pays sait à quel point le pays Tohan est dangeureux, elle avait décidé de s'y rendre elle-même et d'emmener deux Kunoichis avec elle. Le voyage se fit sans encombre, leur discrétion assurant leur sécurité. Une fois arrivée à Inuyama, elle n'eurent pas non plus de mal à se faire passer pour des marchandes de soie et à entrer. Retrouver le général ne fut pas malaisé non plus, mais l'atteindre...C'était une autre histoire. Il vivait au palais...Et aucune femme n'avait le droit d'y entrer sauf les courtisanes depuis que le dernier chef Tohan avait été assasiné par l'une d'elle...par une Kunoichi...Il faudrait donc à Keiko et ses accolytes s'infiltrer de nuit dans la forteresse.

Nous passerons sous silence cette partie de l'histoire car une fois à l'intérieur, tout bascula. Elles retrouvèrent le général et le tuèrent. Mais un garde surprit une des Kunoichis et sonna l'alerte. Les flèches fusèrent et leur rapidité leur fut d'une aide inespérée jusqu'à ce qu'une des Kunoichis s'arrête brusquement.

"Kasumi, qu'est-ce que tu fais, viens tout de suite!"

"Mais...mais pourquoi la princesse Shirakawa se trouve-t-elle ici..."

Keiko et Tanaki se stoppèrent net pour regarder là où le regard de Kasumi se portait. Sur un balcon, dans les hauteurs du Palais, se tenait une frêle jeune fille qui pleurait. La vue sans faille des Kunoichis leur permit de reconnaître Natsumi Shirakawa, fille du Seigneur Shirakawa du clan Seishuu.

Une flèche sombra en direction de Kasumi, Tanaki se précipita sur elle et reçut la flèche...en plein coeur...Kasumi, sous le choc ne put bouger. Derrière elle une ombre menaçante s'approchait...

"Saleté de Ninjas...vous osez pénétrez ainsi dans ma demeure..."

Un éclair traversa l'air et vint se planter dans le cou de Kasumi...

"A toi maintenant"

Keiko ne cilla pas. Une Kunoichis ne doit pas se battre en combat direct. Si la mission tourne mal, elle doit fuir. Mais là...deux...deux de ces amies avait trouvé la mort. Elle ne pouvait pas renoncer ainsi...Elle leva les yeux vers son agresseur et se mit à courir. Arrivée sur lui, sans qu'il ne s'en rende compte, elle planta les griffes de son shuko dans l'épaule de l'individu.

"Tu n'es pas assez rapide"

"Chef! Les renforts arrivent!"

*Chef?*

Keiko se retourna, incrédule...

*Zengmao...*

Elle se résigna dans un soupir et s'enfuit, escaladant la murail de pierre froides, sous la pluie de flèches...L'une d'elle se ficha dans son bras droit...

Toc, toc...
Réveil brutal pour Dame Maruyama. Elle essuya une larme sur sa joue et dit:

"Qui est-ce? Entrez!"

"Ce n'est que moi madame, les gardes ont vus une ombre et je me suis tout de suite dit que vous deviez être rentrée et que vous n'aviez pas pu vous empêcher de leur jouer un tour!"

Keiko sourit..

"En effet...Suzu...demande à la nouvelle servante de me préparer un bain au jasmin s'il-te-plaît...j'ai besoin de me détendre..."

D'un bain...et d'une vengeance...

Assise en tailleur avec les autres filles, Ayumi mangeait avidemment son riz. Il était tard, mais elle n'avait toujours pas terminée sa journée, et la faim l'avait tellement tiraillée, qu'elle n'avait pas pu dire non à un bol de riz chaud.
Elle avait presque finie, lorsque Suzu entra dans la salle, cherchant des yeux quelque chose, ou quelqu'un. Ayumi leva la tête et croisa son regard. La vieille femme lui sourit, et vint lui dire quelques mots à son oreille.

"-Ayumi, Dame Murayama veut que tu lui prépare un bain au jasmin, dépêche toi, elle est fatiguée et elle ne voudra pas attendre."

Ayumi écarquilla les yeux de surprise. Dame Murayama lui demandait quelque chose? A elle?
Elle reprit cependant rapidement le cours de ses pensées et se leva.

"-Bien Suzu, merci de m'avoir prévenue"

La jeune servante traversa rapidement le quatier des Servantes, et traversa la cour de gravillons qui la séparait du reste du Palais. Les étoiles perçaient la nuit par leur fine lumière et le bruit des nuisibles vinrent titiller l'oreille d'Ayumi.
Quittant la quiétude de la nuit, elle traversa quelques salles, ne faisant le moindre bruit; puis, elle entra dans la salle d'eau. Elle attendit une dizaine de minutes que l'eau chauffe bien puis la versa dans le bain. Une douce chaleur envahit la pièce. Ayumi prit ensuite un flacon d'huile de jasmin et en déversa assez dans le bain pour en sentir une apaisante odeur sans qu'elle n'écoeure pour autant. Elle rajouta pour finir quelques pétales de Jasmin pour apaiser Dame Murayama.

La jeune servante avait enfin terminé, nettoyant son visage de la sueur, elle quitta la salle pour se diriger vers les appartements de Dame Murayama. Elle tocqua plusieurs fois et attendant l'autorisation de Dame Murayama, elle fit coulisser la porte et s'inclina.

"-Votre bain est prêt, Noble Dame."

[bon voila, par contre je ne savais pas exactement comment on procédait pour préparer un bain, alors faut pas trop m'en vouloir ^^']

EDIT Tsukiyo : en fait, il me semble que c'est habituellement un petit bâtiment séparé, où se trouve une baignoire en bois (sorte de baquet) posée sur une estrade sous laquelle on peut faire un feu depuis l'extérieur, la partie "sportive" étant de s'amuser à entretenir le feu pendant que le seigneur (ou la dame) se prélasse... et à conserver une bonne température... pour aussi conserver sa tête... ^^

Keiko somnolait doucement, la tête posée nonchalement sur le dossier du fauteuil rembouré qu'elle n'avait pas quitté depuis l'arrivée et le départ de Suzu. Du moins c'est l'apparence qu'elle semblait donner, car elle ne dormait jamais vraiment de façon profonde. Le sommeil était un risque qu'elle ne prenait que très rarement, un moment où l'abandon qui s'occasionnait face au monde extérieur pouvait causer la mort... Pourtant, Keiko savait pertinnement qu'elle était entourée des meilleures Kunoichis du pays et que, même endormie, il ne pouvait sans doute rien lui arriver. Cependant, elle avait toujours répété qu'il ne fallait pas se reposer sur ses acquis et continuer à se méfier de ceux que l'on pourrait considérer comme faibles ou inexistants. Après tout, n'avait-elle pas mis fin aux jours de sa mère, alors que cette dernière se trouvait dans son lit...

Il ne fut donc pas étonnant que Dame Maruyama entende venir de loin les pas de sa nouvelle servante. Elle entendit le gravier grisser. Elle entendit le parquet grincer. Elle entendit l'eau couler. Puis finalement, la voix de la suivante résonna dans la pièce. Keiko ouvrit les yeux doucement.La faible lumière des bougies allumées par Ayumi suffit à l'éblouir un peu.

*Voilà aussi une des raisons qui me poussent à ne pas fermer les yeux...*

La jeune femme se leva souplement, puis s'avança jusqu'au pavillon d'eau qui jouxtait le jardin zen. En entrant dans la salle où le bain avait été préparé, une douce mais envoûtante odeur de jasmin l'enivra. Quel bonheur ça allait être de se prélasser sans vergogne dans ce bain chaud, après deux semaines sans s'être lavée. Keiko avisa la présence d'Ayumi et la détailla discrètement de haut en bas. Encore une habitude qu'elle avait pris pour s'assurer que ses interlocuteurs ne cachaient rien de suspicieux...

"Merci Ayumi, ce bain sent incroyablement bon"

Dame Maruyama entreprit d'enlever sa tunique. Elle était restée partiellement propre, sauf à l'endroit où la flèche avait pénétré la chair de la Kunoichi. Un sang noirâtre avait collé le tissu à la peau de la jeune femme, et c'est dans une grimace qu'elle l'arracha d'un geste vif, laissant apparaître une vilaine blessure encroûtée de sang séché. La plaie était peu profonde mais sale. Keiko craigait l'infection car elle avait préféré rentrer vite plutôt que de se soigner en chemin. Devant le regard inquiet d'Ayumi, Keiko rassura sa suivante:

"Ce n'est rien voyons, voilà ce qui arrive quand on relâche sa concentration... Je sais qu'il est tard et que tu aimerais sans doute aller te coucher, mais j'aurais besoin de toi ici. Mon bras me faisant un peu souffir, j'aimerais que tu m'aides à le soigner...Veux-tu apporter de l'alccol de riz, le plus fort que tu puisses trouver. Amène aussi un linge de coton propre s'il-te-plaît."

Puis Keiko fit glisser sa tunique le long de ses hanches. Elle enleva ensuite la légère chemise de coton qu'elle portait en dessous, découvrant une peau claire mais légèrement colorée par le soleil, conséquence des longues heures d'entraînement passées à l'extérieur, dans les plaines ou au bord de l'océan. Elle se glissa ensuite dans un soupir de contentement dans l'eau chaude et fumante du bain, prenant soin de laisser dépasser son bras blessé. La senteur de jasmin enveloppa tout son corps et son esprit. Elle s'accorderait quelques minutes de repos avant de reprendre ses affaires.

"Oh encore une chose Ayumi...J'ai entendu dire que mon conseiller était revenu de son voyage à Shirakawa. Alors veille à ce qu'il se présente devant moi dès ce soir. Réveille-le s'il le faut, j'ai des choses extrêment importantes à lui confier..."

Keiko posa la tête sur le rebord du baquet de bois, et ferma les yeux, encore.

*Juste un peu...*