Balade fatale

Une fine silouhette se mouvait lentement dabs la brume, dans le froissement régulier d'un kimono de soie.
Le soir était tombé depuis longtemps, plongeant les champs de riz et les routes de pierre dans l'obscurité. Un vent froid et pénétrant secouait les roseaux, et une légère brume flottait à la surface de l'eau. La lune, tantôt cachée par de sombres nuages tantôt éclairant une fraction de seconde le visage de la Geisha, projetait de grandes ombres noir encre sur ce paysage inquiètant.

Fubuki marchait silencieusement sur la pierre froide, son visage blanc éclairé par moment d'un rayon argenté. Elle était vêtue d'un kimono rouge sang parcouru de signes dorés, une ceinture de la même couleur serrant étroitement sa taille. Ses cheveux noirs étaient enroulés dans un chignon sophistiqué, deux baguette pointues plantées géométriquement en son centre. Ses paupières alourdies de noir étaient baissées vers le sol, deux yeux d'ébènes balayant le sol poussièreux.

Au bout d'une longue et lente marche, elle s'arrêta devant un petit étang olivâtre parsemé de nénuphars roses et blancs. Elle s'agenouilla devant lui, les yeux légèrement relevés pour observer son reflet tremblotant. Ses mains se dirigèrent doucement vers le liquide, puisant un peu d'eau sombre et troublant la surface lisse de quelques rides vite englouties. Elle regarda l'eau s'échapper entre ses doigts, puis plaqua sa paume contre sa joue, effaçant le maquillage qui rendait sa peau si pâle. Elle défit son chignon, déserra sa ceinture, se leva. Les fils noirs d'encre qui constituaient sa chevelure tourbillonèrent souplement dans l'élan du mouvement. Elle se regarda à nouveau, détaillant son image à présent différente. On pouvait voir se joues légèrement creusées, son nez fin et raide, sa bouche pâle et décolorée. Un petit sourire, et elle serait l'enfant d'autrefois. Mais Fubuki ne sourit pas. Une ride se creusa au contraire sur son front, affaisant son visage en même temps.
Elle avait choisi sa vie, pas question de retomber dans les souvenirs. Les souvenirs rendaient faible, touchaient le coeur au point sensible et faisaient fondre toute glace... sans glace, elle ne serait plus Fubuki.

D'un geste un peu brusque, elle resserra rapidement sa ceinture et se remit en marche en sens inverse. Le vent se fit plus insistant, les roseaux se plièrent au maximum, et le petit étang fut bientôt dépourvu de tout nénuphar. Sans prêter attention à tout cela, Fubuki continuait sa marche, le visage fermé, visiblement plongée dans ses pensées. Une soirée se déroulerait ce soir, une soirée pleine d'hommes à amuser, pleine de gens fortunés qui devaient être satisfaits. Et elle devait être satisfaisante... elle devrait montrer l'exemple, jouer de la musique, danser, servir les invités, rester fermée mais agréable. Il fallait qu'elle soit le modèle des plus jeunes, aucune faute permise. Mais de toute façon, elle n'en faisait jamais.

Une bourrasque violente la fit trébucher, son pied heurta brutalement un pavé mal ajusté. Les yeux toujours dans le vague, elle ne semblait nullement affectée par la chute pourtant douleureuse qu'elle venait de vivre. Ce n'est que lorsque ses genoux claquèrent brutalement sur le sol qu'elle sembla se reveiller, ses yeux s'ouvrant avec terreur, un début de cri sortant de sa gorge. Elle eut le reflexe de tendre ses paumes vers le sol, s'évitant un choc mortel. ([comment ça j'exagère?]) Elle voulut se relever aussitôt: une vive douleur au niveau du genoux l'en empêcha, lui arrachant un petit gémissement. Sans s'affoler, elle pensa au contraire avec un sourire à la soirée qui se déroulerai sans elle. Un sourire qui s'était décidement fait attendre. Sans se soucier de se qui arriverait, elle resta sur la pierre, le vent secouant toujours ses cheveux détaché, un sourire éteint au lèvres.

[j'avoue, c'est pas très réaliste, mais je voulais qu'il se passe quelque chose de spécial...personne ne vient en aide à ma ptite Fubuki?]

Robin marchait gaiment en sifflotant. Il avait toujours aimé les promenades en campagne, même si les paysages japonais étaient loin de lui rappeler ceux où il gambadait étant enfant... Seul le vent avait des airs nostalgiques...Il avait profité d'une halte de l'équipage dans un village de la côte pour improviser une escapade champêtre. De toutes les terres qu'ils avaient parcouru le Domaine Seishuu était un des plus majestueux, surtout à cette époque de l'année où les pétales de cerisiers pleuvaient sur les routes.

Le souffle du vent le berçait et rendait le jeune homme propice aux souvenirs. Cela faisait plusieurs mois maintenant qu'il vivait parmi les pirates... Il n'avait pas toujours apprécié leur méthodes mais s'était bien vite rendu compte que c'était la seule façon d'opérer dans un pays où les Seigneurs avaient si peu de considérations pour le peuple.

*Pas si différent que dans le reste du monde, soit dit en passant...*

Cela dit, malgré la rudesse dont les hommes de son équipage faisaient parfois preuve, ils n'en restaient pas moins de bons gars qui avaient chaleureusement accueillis Robin et lui avaient appris tout ce qu'il savait, y compris leur langue... Le jeune anglais fut alors tiré de ses rêveries par un cri gracieux...Graceux certes, mais surtout affolé et suivi de quelques gémissements...Il s'approcha de la provenance du bruit et découvrit une magnifique femme, aussi belle qu'une oeuvre d'art, mais dans une posture plutôt malencontreuse...En effet, la demoiselle semblait s'être blessée en tombant sur la route pavée. Robin courut à ses côtés se penchant vers elle tout en disant dans un japonais très correct:

"Tout va bien? Je vous ai entendu gémir...Avez-vous mal quelque part?"

Il lui servit un sourire radieux, pour la mettre en confiance. Sourire c'était ce qu'il savait faire le mieux...

Fubuki avait les yeux fixés sur un roseau plié par le vent, complètement coupée du monde extérieur. Le roseau se pliait puis se redressait, toujours. Le vent ne parviendrait jamais à l'arracher. Jamais...

Une voix vint soudain la tirer de sa torpeur, une voix d'homme avec un léger accent. Elle tourna brutalement la tête, les cheveux fouettant un moment son visage avant qu'elle ne puisse comtenpler l'inconnu. Un jeune homme d'une vingtaine d'année, le teint rieur, un sourire rassurant et charmant aux lèvres. D'une voix aimable, il lui proposait visiblement son aide. Elle fronça les sourcils. Ce n'était pas un japonais, c'était évident. Cet accent et ce teint rose... il était étrangement vêtu, d'une manière bien différente de celle qu'elle connaissait. De plus en plus méfiante, elle garda un moment de silence. Se faire aider par un homme, étranger qui plus est? Elle ne s'abaisserai jamais jusque là. Sa voix s'éleva, froide et gracieuse, sans cacher son mépris :

-" Tout va bien, je vous remerçie. Qui êtes vous je vous prie?"

Elle avait parlé posement mais d'une traite, n'hésitant pas un instant. Ce n'était même pas une question de danger, mais de fierté. Son visage pâle était fermé, sans l'ombre d'un sourire malgré la chaleur du jeune homme. Un étranger hein? Alors il ignorait sûrement les coutumes de ce pays. D'ailleurs, il était plus jeune qu'elle. Son regard se posa alors sur sa cheville endommagée et elle retint son souffle. C'était le comble! Elle se sentait blessée d'avoir été decouverte dans cette position ridicule, preuve de sa maladroitesse et de sa médiocrité. S'enfonçant ainsi dans ces convictions , la jeune femme semblait de plus en plus sombre. Les lèvres serrées, elle attendit la réponse, prête à mordre.

* Je suis idiote -songea t' elle soudain-, ce n'est pas sa faute. C'est moi l'empotée, je ne respecte même pas les règles élémentaires de mon pays. Et moi, je suis sensée les connaître.*

Elle ferma les yeux, rajusta une mèche d'encre, et soupira. Elle releva les yeux vers le jeune homme, et dit, d'un ton moins sec mais toujours sans le moindre sourire:

-" Pardonnez moi. Je suis méfiante et impolie, honte sur moi. Je devrais vous faire honneur, vous vous souciez de moi. Vous n'êtes pas d'ici il me semble?"

Il n'y avait qu'un imperceptible changement de ton, et seules ses paroles prouvaient qu'elle s'était radoucie. N'allez pas jusqu'à croire qu'elle était amicale...

Robin sentit tout de suite la réticence de la demoiselle à son égard. Mais il était habitué à ce genre de réactions de la part de la population locale. Après tout il faisait partie des quelques rares étrangers dans les parages, et nombres d'entre eux n'étaient pas spécialement appréciés, leur mode de vie divergeant totalement de celui des Japonais. Mais son sourire n'en faiblit pas pour autant et c'est avec bonne humeur qu'il répondit aux interrogation de la jeune femme en difficulté.

"Je m'appelle Robin, Robin O'donnel et je viens d'Europe. Mon bâteau a fait naufrage non loin de vos côtes et j'ai été recueilli par un village de pêcheurs"

Par contre, une chose qu'il se garderait bien de préciser, c'était que les pêcheurs en question s'étaient en réalité reconvertis en pirates. Parce que Japonais ou pas, les pirates n'étaient les bienvenus nulle part. Son aspect attirait la méfiance alors ce n'était pas la peine d'en rajouter.

Le jeune homme s'attarda à observer la jeune femme. Elle était vraiment d'un beauté éblouissante. Ses yeux brillaient intensément, ses cheveux légers ondoyaient au gré du vent avec une grace indéfinissable. Rien chez cette créature n'était inconvenant. Elle était irréprochable sous tous les angles. Robin ne pouvait démentir son charme, cependant il avait toujours préféré les jeunes femmes plus farouches et naturelles. Mais il savait qu'ici, les femmes se devaient de respecter un code de conduite mille fois plus stricte qu'en Angleterre.Il remarqua finalement que la cheville de la jeune femme était très enflée. Ni une ni deux, sans la prévenir il la souleva et la prit dans ses bras.

"Veuillez m'excusez mais au vue de votre blessure, il serait judicieux que je vous porte jusqu'au prochain village"

Fubuki hochait lentement la tête au fur et à mesure qu'il parlait. Effectivement, il était étranger. Un naufragé... c'était inhabituel. Elle fut surprise de se trouver satisfaite. Le fait que des choses qui sortaient de la norme lui faisait plaisir, à elle, Fubuki Kaji, directrice des Geishas? Elle qui suivait toujours le code à la perfection, et qui punissait le moindre écart? Cela lui fit penser à Mayame, qu'elle avait punie pour avoir rit ouvertement devant un seigneur, alors qu'elle devait lui servir du thé. La chose en soi n'était pas terrible, mais le problème était que Mayame était amoureuse. Cela Fubuki n'avait pu l'admettre. Amoureuse d'un seigneur! Il fallait être folle. Elle fut sortie de ses souvenirs par un brusque changement d'élément. Le sol dur était remplacé par deux bras blancs, et la lune par un sourire chaleureux. Elle songea d'abord à se débattre, à lui faire payer l'affront de la toucher ainsi. Elle entendit à peine les mots qui se formèrent sur la bouche de l'étranger, et le coupa dans sa phrase pour dire d'une voix pleine de fureur contenue :

-" Reposez moi! Vous ne savez pas ce que vous faites! Vous ne pouvez pas! Je ne peux pas!"

Sa voix se brisa à la fin de sa phrase. Elle était impuissante, incapable de sauver son honneur. Que diraient ses collègues si elles la voyaient ainsi! Le jeune homme à l'accent étrange avait commencé à marcher, et elle, Fubuki, continuait à le marteler et à le sommer de la reposer.C'était tout ce qu'elle pouvait faire. Il était bien gentil, mais elle, elle ne pouvait pas. Elle reprit, d'une voix faible :

-"Je vous en prie... lâchez moi, vous ne savez pas... je ne peux me montrer ainsi... et puis non! Reposez moi! "

Elle continua longtemps ainsi, ne voyant pas d'autre chose à faire. Le silence aurait été trop pesant. Fatiguée, elle décida tout de même de s'arrêter de parler, voyant bien que ça ne servirait à rien. Le silence qui s'installa fut en effet très dur à supporter, vu qu'elle mourait d'envie de le gifler. Son visage s'était à nouveau fermé, et ses sourcils étaient fortement fronçés, signe de son immense mécontentement. Elle finit par marmonner, pour se donner contenance :

-" Ignorant... on ne touche pas une Geisha ainsi!"

En une phrase, elle avait revelé sa classe sociale. Elle n'aurait pas du le faire, mais ce métier était pour elle une fierté, et d'ailleurs, ce jeune homme ignorait sans doute ce que cela voulait dire.

Robin marchait d'un bon pas en ignorant royalement les protestations de son "paquet"... Elle était pourtant contrariante. Il y a quelques minutes à peine, elle gémissait de douleur par terre, il avait l'obligeance de l'aider et c'était sa façon à elle de le remercier...Décidément la politesse européenne avait tendance à lui manquer.

"Et bien je croyais que les Geishas étaient les êtres les plus polis du Japon, mais je vois que les rumeurs sont fausses..."

La demoiselle se tut instantanément. Robin sourit d'un air satisfait, il avait sans doute touché juste. L'ego d'une Geisha est quelque chose de surdimensionné mais de si fragile... Robin avançait gaiement, voyant déjà les prochaines habitations à l'horizon. Il avait toujours adoré la marche, plus encore que monter à cheval. Et c'était d'ailleurs un sujet de discorde avec son père qui trouvait dégradant de se déplacer à pied. Le jeune homme chassa ses mauvais souvenirs et reprit la parole.

"Cela dit si vous préférez vraiment que je vous dépose ici, à votre guise. Mais je vous préviens, les brigands qui rôdent par ici seront sans doute encore moins courtois que moi...à vous de voir."

Devant le silence, Robin se mit alors à siffler un air irlandais que sa mère aimait lui chanter. Et ils finirent par pénétrer dans le village ou les ombres grandissaient à mesure que le soleil déclinait...

[HRP: je te laisse commencer un nouveau sujet dans le village de ton choix^^]

[disoulée pour le retard *mimique contrite*, j'ai fais le nouveau topic à Maruyame, "Un drôle de colis...". ]